...... "une autobiographie discursive romancée" ......

J'ai mal à ton âme roman Editions des Traboules, 2014
Pourtant, nous, mortels, et elle, la
mort, sommes voués à faire route ensemble, en cordée, sur les
rudes versants d’ici-bas. Elle marche en tête, elle éclaire nos
pas de sa lanterne noire pendant notre malheureux exode et son
sourire brèche-dent s’élargit à chacun de nos efforts. Et nos
vieillards de lui obéir au doigt et à l’œil. Ils s’échinent à
prévenir ses moindres désirs, obséquieux les pauvres pères
conscrits, et craintifs, et serves, mendiant les menus délais de
grâce dont elle est si parcimonieuse, quelques semaines, quelques
jours, quelques heures, des rogatons, les bribes de la franche
lippée. (Page 14)
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La cruauté en ces temps se
recommandait de Dieu. Déclarés intouchables, les lépreux étaient
conduits de force à l’église, en pompe funèbre, et l’on
chantait sur eux l’office des morts et l’on ensevelissait dans
leur ignominie ces réprouvés, charognes vives. Étonnant défi que
d’appeler sur un cadavre pensant et souffrant, aux tourments
indicibles et à la hideur innommable, la lumière éternelle. Lux
perpetua luceat eis… Et allez donc ! Cloches, sonnez le glas !
J’en connais un qui, pendant le Dies irae, devait rire sous
cape : Dieu le Père, le barbu impuissant à force d’omnipotence,
le philanthrope qui n’est et ne sera jamais payé de retour, la
Trinité dont les hommes ont fait un trio, la société à
responsabilité limitée Dandin, Pantalon et Picrochole, sauf
respect. (Page 21)
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Conclusion : le gâtisme n’est, selon
probabilités, que l’apparence, à l’usage des imbéciles, d’une
contemplation intime, supérieurement dissimulée, qui ravit le
vieillard au réel, et ses intuitions expérimentales le favorisent
de prescience, lui dictant ses oracles à son intention seule. (Page 35)
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Méfie-toi de l’intelligence plus que
de la sottise. (Page 50)
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Vous, intellectuels..., vous, intellectuels ou assimilés ou aspirants, tout
couverts que vous êtes de bouquins, de cartes et d’estampes, vous
errerez toujours en matière de psychologie, et ce pour deux raisons
essentielles : vous ne gagnez pas votre pain à la sueur de votre
front et vous ne possédez qu’une science purement livresque du
monde et des hommes. Avez-vous expérimenté la misère d’ici-bas ?
Vous rapportez tout, très vaniteusement, aux idées reçues ou
glanées et vous vous fabriquez, à votre insu, une casuistique
sophistiquée d’oisifs et de songe-creux. Des aristocrates ? Non,
des nouveaux riches. Et plus vous accumulez les diplômes, plus vous
êtes parvenus. Il faut suer et souvent saigner pour penser juste.
Ainsi en est-il de notre condition humaine. (Page 198)
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